Depuis mon plus jeune âge, je suis entourée par le textile. Il m’a fallu du temps pour comprendre ce qui me touchait en lui et pour décontextualiser le matériau et ses techniques de mon histoire familiale. C’est ainsi que j’ai transposé ces « travaux d’aiguilles », historiquement réservés aux femmes et à un usage domestique, pour l’inscrire dans une démarche artistique. Aujourd’hui, ce travail autour du textile me permet de me situer, de me positionner dans un contexte contemporain, artistique et bien plus intime . C’est une façon d’occuper une place, c’est une manière pour moi d’habiter le monde et de cristalliser ce que j’avais commencé petite : raconter des histoires, des saynètes, susciter des émotions.
Les techniques que j’utilise : la broderie, la couture, le dessin… demandent du temps. Dans une époque où tout va vite, se bouscule, je prends le contre-pied, je résiste ! J’aime l’idée d’un temps suspendu où la pensée flottante à toute sa place. C’est un espace où les choses s’assemblent, se connectent et le geste est alors libéré. Broder, coudre, sculpter, dessiner…
La broderie n’est pas venue tout de suite, j’ai du aller la chercher, la rencontrer. Je la travaille comme un dessin. Je trace et dessine avec le fil. Envisagé comme un parcours, une balade, je propose des formes, des images telles des plaques sensibles et poétiques. Jean-Michel Othoniel disait dans une interview que son travail et son médium de prédilection le verre, lui permettaient de « le garder en alerte pour ne pas tomber dans le décoratif, le joli ». J’aime la broderie car elle me soumet ce combat permanent. Il faut sans cesse « écouter » la matière, se laisser surprendre et s’ajuster.